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Traverser les murs

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24/10/2009 - 17:47


Les hommes façonnent de mieux en mieux un monde qui les réunit au milieu de fougères mysté­rieuses qu’ils apprennent à ne plus voir. Je me sens singe. Ignorant des idées qui commandent à leurs voix qui se mordent. Singe, au centre des chantiers de cette gloire caillouteuse qui monte et se complex­i­fie. Habillé pour le cirque on m’a appris des chansons qui résonnent continuellement sous ma frange peignée. J’étais fait pour le sang et la vie, je me bats pour payer mes factures éternelles. Dans mes livrets d’état civil on parle de ma vie qui dure. J’ai mon attestation. Tous les matins je lève une ombre entre les dates principales d’une chronologie, mais je reste immobile, debout encore, debout seulement. J’ai perdu mon mystère, et le droit de crever au grand air, comme ils disent, quelque part au milieu de la chaîne alimentaire.

 

Souvent je me regarde passer entre les statues que mes cousins les hommes érigent. Elles semblent se pencher vers moi et me dire : « Venez par‑là, Monsieur. » Fantôme, charnel jusqu’à l’irri­tation, je pousse aussi une carcasse spirituelle qui m’ouvre le chemin, une étrave sans surprise dans l’océan morne du bon sens. Fasciné, je ne saurais pas même hurler, frapper ou griffer. Ecartez-vous, je sens que mes freins lâchent ; comme au volant d’un engin dangereux en acier. Non, je passe conforme au dessin de mon visage anonyme, peut-être à ce moment juste un peu hébété.

  Bonjour, je suis le mécanicien. 

  Ah ! Oui, bonjour, c’est ici, je ne sais pas ce qui se passe, ça ne marche plus. 

 

Je suis un imposteur, une de ces créatures iden­tiques sorties d’un moule superficiel pour faire tourner la roue carrée d’une aventure bru­yante, bornée, cruelle et idiote. Je réponds à d’autres impos­teurs aussi peu diaboliques que moi.

 

Je surveille, je filtre le vent qui me traverse, j’ai déjà vu jouer mon rôle, j’ai vieilli.

 

Je n’ai pas mérité toutes ces attentions : La porte automatique deux fois trop large et haute du centre commercial ; les enseignes lumineuses écri­tes dans ma langue ; des chaussures à ma taille ; le moteur de la voiture ; le feu vert ; la route lisse et courbée ; le signe du voisin ; le baiser sur la bouche ; le poulet mort ; le film, en français aussi, du lundi soir ; lundi ; l’heure ; le plafond au‑dessus de ma tête.

 

Le costume dansant, de bureaux en bureaux, je m’en­voie dans mes rêves réclamer des explications. On me tend les formulaires qu’il me faut, à complé­ter, dater et signer.

 

Je m’appelle Monsieur, je connais un tas de choses sur moi et beaucoup de numéros. J’ai le souri­re en coin facile. J’ai épousé une femme avec qui j’ai eu des enfants, humains également. Je vis sur terre, à cheval entre le paradis et l’enfer me dit‑on. Non ! Pas sur un cheval à terre, c’est une expression. Hier il faisait beau, aujourd’hui il fait mauvais. Je suis né un jour et j’ai grandi les autres jours. Profession : mécanicien, je l’ai déjà dit. Et mainte­nant que vous savez qui je suis, où est mon fric ? Le papier que je rends ne fait pas sursauter l’imposteur qui le lit. Je ne me suis pas trompé de case. Ce que j’ai écrit est sûrement vrai. Je ne serais pas étonné de traverser les murs.

 

Ce texte est en relation avec un autre texte de ce site. Je sais plus de qui, je sais plus quand (il y a moins de 15 jours). Quelqu'un qui disait avoir l'impression souvent, depuis petit, de se regarder vivre ou survivre.

(((trouvé. C'est l'ami Guy Niole, "éloïse")))

 

 

 

 


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